Le conflit Ukrainien ! nouveau Vietnam ou nouvel Afghanistan ?
Salamou Aleikoum, Azul Fellawen, Shalom, Un saludo Cordial, Dobry Den, Bonjour, Guten Tag,
La confrérie est heureuse de vous accueillir, et de partager avec vous ses analyses et réflexions sur le thème phare de 2022, le conflit Ukrainien. Nous procéderons à une présentation succincte de la géographie et de l'économie Ukrainienne, avant de nous plonger dans le conflit et son évolution, pour conclure par les options de sortie potentielles de cette crise.
Au préalable, nous tenons à préciser qu'en tant que pacifistes, nous appelons les deux parties, ainsi que les puissances européennes et l'OTAN, à la table des négociations afin de définir un cessez le feu préalable à un traité définissant les modalités d'un pacte global de sécurité dans la région. Néanmoins, nous n'en restons pas moins réaliste et pragmatique quand aux enjeux géopolitiques et aux contraintes idéologiques.
L'Ukraine est le plus grand pays d'Europe avec 600 000 km², elle est bordée au sud par les mers d'Azov et Noire, au Nord et Est par la Russie et la Biélorussie, et à l'Ouest par la Moldavie, la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, et la Pologne. Elle est aussi l'un des plus peuplé avec 45 Millions de citoyens, à plus de 90% Chrétiens orthodoxe, la minorité étant catholique. Avec un IDH (indice de développement humain) de 0.78, elle se positionne au 74ème rang ; par comparaison la Russie est 52ème, les USA 17ème, et la France 26ème. Culturellement le pays est Slave, avec une partie nord-ouest profondément occidentalisée du fait de son appartenance à l'Empire lituano-Polonais puis austro-hongrois par le passé, et une partie a contrario orientalisée suite à son appartenance à l'Empire turco-mongole puis russe à partir du XVIIème siècle et Catherine la Grande.
L'économie Ukrainienne est comparable au Maroc ou à l'Algérie en taille. Son PIB a connu une évolution chaotique depuis 1989, à 467 milliard de $, chutant à 93 en 2017, avant de se redresser à 151 Milliard de $ en 2020. Elle est essentiellement basée sur l'Agriculture, et l'industrie manufacturière lourde, notamment la sidérurgie et la défense, reliquat de l'ère soviétique. L'Industrie est localisée en grande partie au sud-est du pays, conséquence de la présence de bassins houillers importants et d'accès maritime via les ports de Sébastopol et Odessa.
Ses principaux partenaires, depuis son entré à l'OMC en 2008, sont l'UE, la Chine, et la Russie. Très peu diversifiée, son économie reste structurellement déficitaire et dépendante du financement extérieur, des IDE, des recettes liées au passage des gazoducs provenant de Russie, notamment le Brotherhood qui rapporterait entre 2 et 5 Milliard de $, et de ses exportations agricoles et minérales.
L'Ukraine est donc un grand pays d'Europe orientale, en grande difficulté économique, sociale, et politique depuis la fin de la guerre froide. L'évolution démographique de la population, en chute libre depuis 1990, confirme ce diagnostic.
Venons en au conflit, déclenché le 24 février 2022 par la Russie, au prétexte de la démilitarisation et dénazification du pays consécutive au non respect des accords de Minsk signés en 2014. Notre propos n'entrera pas dans la discussion relative aux responsabilités respectives des uns et des autres, il se concentrera sur l'analyse de la situation d'un point de vue militaire, politique, et géopolitique.
Au chapitre militaire, le conflit était latent et à faible intensité depuis la révolution de Maiden en 2014 et les tensions à l'est du pays.
Les opérations à la fin avril tournent à l'avantage de l'armée rouge. Elle possède la suprématie aérienne conséquence de la mise hors d'état de l'aviation Ukrainienne forte d'environ 250 aéronefs. Elle possède la suprématie maritime, notamment en mer d'Azov avec la prise de Marioupol et de Kherson, et en mer noire avec le port de Sébastopol et sa flotte d'une trentaine de bâtiments dotés de missile Kalibr d'une portée de 2500 km. En terme de déni d'accès, ses systèmes AS400 ainsi que ses capacités dans le domaine de l'invisible et du cyber interdisent tout incursion sur son territoire. Sur le plan terrestre, la situation est plus complexe pour deux raisons : une relative égalité des forces engagées, initialement 140 000 hommes pour l'Ukraine dont la moitié de conscrits, et 150 000 hommes pour la Russie ; la stratégie urbaine défensive de l'Ukraine, à l'exemple de Marioupol ou Kharkov couplée à la concentration des forces dans le petit chaudron du Donbas à Severodonesk (approximativement 70 000 à 80 000 hommes), laissent augurer d'une tactique de guérilla et d'usure, donc d'une guerre longue. A contrario, les Russes ont d'abord misé sur une stratégie manœuvrante et d'encerclement des points clés et du chaudron parallèlement à la destruction des infrastructures militaires et de communication, pour évoluer sous la contrainte vers une guerre de position.
Il est important de noter l'évolution des objectifs Russe, initialement quatre en l'occurrence dénazifier, démilitariser, faire reconnaitre l'annexion de la Crimée, et l'autonomie des républiques de Donetsk et Louhansk, et maintenant de contrôler toute la bande sud est du pays et faire le lien avec la Transnistrie sécessioniste en Moldavie. Cela correspondrait sur la carte à la zone en rouge Novorussia.
De fait, et malgré les annonces de renforts en provenance de la France avec des canons César de 155, de l'Allemagne avec des chars léopards II, des Polonais avec 200 chars T72 et des Mig 29, des Tchèques avec des chars, les USA avec des systèmes anti-aérien Patriot, des chars Abraham-A2, des F16, de l'artillerie moderne , de la présence sur le théâtre des opérations d'officiers et de conseillers de l'OTAN ; il ne fait aucun doute que la Russie est en position de force et a l'avantage.
Quelles pourraient être ses objectifs finaux ?
Nous ne pensons pas qu'ils soient figés, mais plutôt opportunistes dans un cadre macro réfléchi en l'occurrence prendre possession des régions russophones et industriels et/ou maritimes de l'Ukraine, assurer un continuum sur les mers chaudes vers Tartousse en Syrie et ainsi conforter sa position géostratégique en Méditerranée orientale vis à vis de la Turquie et de l'OTAN.
Politiquement, la situation semble plus confuse et ne laisse pas pour l'instant entrevoir de porte de sortie par la voie des négociations. Les USA, l'OTAN, et les pays Européens sont vent en poupe dans l'escalade et votent à tour de bras des subsides à l'Ukraine. L'UE a promis 1.5 milliard d'€, les USA 33 milliard de $, et l'Allemagne envisage de doubler son budget de défense à 100 milliard d'€ par an. La Russie avance son armée, utilise un arsenal de leviers, financiers ( la roubladisation), diplomatiques (ralentissement des négociation sur le nucléaire Iranien), géostratégiques (le détachement progressif du sahel de l'influence Française), pour orienter les négociations dans un sens favorables.
Il est à craindre que la situation ne perdure dans un semi-blocage qui verrait l'Ukraine partitionner sur son flanc sud-est au profit de la Russie, quand au reste il deviendrait au mieux un état tampon soumis aux influences occidentales, au pire une zone de guerre de faible intensité entre l'OTAN et la Russie. La clé politique résidera dans l'adhésion des populations locales, à l'un ou l'autre des belligérants, garante d'une stabilité politique et d'une option de projection sur le long-terme à l'image de la Crimée. Cependant, le scénario du pire est déjà à l'œuvre, au vu des velléités finlandaises de rejoindre l'alliance nord-atlantique, ce qui de fait mettrait les deux blocs en contact et en confrontation directe quasiment sur toute la frontière ouest de la Russie " nouveau rideau de fer du XXIème siècle ".
En effet, ce conflit présente deux particularités : ils opposent des puissances Nord-Nord, du jamais vu depuis 1945 ; ils opposent directement cinq puissances nucléaires l'OTAN/USA/France/GB/Ukraine à la Russie sur le territoire Européen.
Géopolitiquement, ce conflit fait l'effet d'un Tsunami. Depuis 1990, un état ose s'opposer frontalement à la mondialisation américaine et ceci sur tout le spectre de la puissance et plus spécifiquement militaire.
Même le géant Chinois ne s'y est pas frotté. Il est tôt pour en tirer des conclusions définitives, mais à tous le moins l'hypothèse d'une configuration mondiale multipolaire prend du poids. Elle s'articulerait sur les poids lourds du monde, les USA, la Russie, la Chine, l'Inde, et subsidiairement sur des puissances régionales à l'instar de la Turquie, du Brésil, du Japon. L'Europe se verrait diluer dans un magma occidental incohérent dans son dogmatisme euro-atlantiste.
Les inconnues résident plutôt dans l'accompagnement financier et économique de ce rééquilibrage. L'oligarchie mondiale aux commandes au travers des fonds, banques, assurances, investisseurs, n'est pas obligatoirement un bloc homogène. Derrière les intérêts sonnants et trébuchants, se cachent toujours des intérêts supérieurs visant à la puissance et à la domination, dans un imbroglio des plus opaques pour l'observateur non averti. Il est à craindre sur ce chapitre, que la transformation n'engendre des soubresauts chaotiques à même de faire exploser un système mondial a bout de souffle en terme de sens et de logique économique. Le jeu de celui qui tient l'autre par la barbichette pourrait se finir par deux imberbes ou plus.
La confrérie des éveillés se réjouit de vos commentaires à venir, et vous souhaite une bonne et heureuse fête du travail en cette semaine du premier mai.
La nuit n'est peut-être que la paupière du jour. |
Tahiyatina
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