La crise des semi-conducteurs, miroir des dynamiques du monde réel !
Salamou aleikoum, un saludo a todos, bonjour à tous, dobry den,
La confrérie des éveillés se réjouit de vous retrouver tous et vous souhaite santé et succès dans vos projets.
Le thème de ce jour est motivé par l'excellent exemple qu'il fournit pour expliciter les liens entre géopolitique et économie, visualiser une grille de lecture différente, et démontrer qu'au XXIème siècle la guerre économique est la continuation de la politique et de la guerre militaire, merci Monsieur Clausewitz.
Nos remerciements vont au cabinet ITMC spécialisé en guerre économique qui a bien voulu nous supporter et nous accompagner dans cette étude et analyse.
Le secteur des semi-conducteurs est l'un des principaux enjeux technologiques du XXIème siècle pour les puissances. Il est indispensable à la quatrième révolution industrielle et par conséquent la brique de base de la révolution digitale en marche - IA, IoT, Smart-city, 5G, mobilité autonome - et contrairement aux idées reçues largement amorcées par la troisième révolution "Electronique".
Le secteur pèse 470 milliards de $, et présente une structure oligopolistique consolidée malgré l'extrême complexité de sa chaine de valeur et la diversité de ses dérivés et débouchés. En forte croissance, il projette 1500 milliards de $ de revenus en 2025. Dans l'automobile, on estime que leurs valeurs va passer de 330$ en moyenne par véhicule à plus de 1000$ avec l'électrification et la connectivité/autonomie pour un total de 6000 semi-conducteurs par véhicule. A base de silicium donc de sable, le processus est énergivore et chimivore, il comprend plus de 300 étapes.
D'un point de vue technologique, il est important d'intégrer que le secteur est confronté aux limites de la loi de Moore (un doublement de la taille tous les deux ans), et qu'il arrive à une bifurcation ou les stratégies doivent faire le choix entre disruption et amélioration voire un mixte des deux. En effet, la miniaturisation atteint aujourd'hui 5 nanomètre mais ne pourra en aucun cas dépasser 2 car la distance entre deux atomes de cristal de silicium est de 1 nanomètre.
Au niveau disruptif, les pistes portent sur le Gallium et les Graphènes dont les fréquences de 50 - 100 GHz permettraient de dépasser la limite à 5 GHz du silicium et de multiplier la vitesse.
Au niveau amélioration, le seuil des 5 nanomètres engendrent deux problèmes majeurs de la physique quantique : les phénomènes de fuites d'énergies qui trouvent leurs réponses dans deux technologies concurrentes, la Finfet américaine ou la verticalisation des couches de type Intel Tri-Gate et la FD-SOI française qui consiste à rajouter des isolants entre le semi-conducteur et le transistor; les phénomènes liés à la lithographie et aux imperfections de recouvrements UV du fait que sa taille est plus grande que le canal à graver auxquels les techniques de "double-pattering", "Optical proximity correction", voire de l'UV extrême développé par ASML permettent de répondre.
Très capitalistique, la chaine de valeur est distribuée entre plusieurs acteurs, les concepteurs, les producteurs, et les assembleurs. Des stratégies horizontales et verticales s'affrontent.
La chine représente 50 à 70% de la demande mondiale, la production est contrôlée à 70% par la Corée du Sud, Taiwan, et le Japon, alors que la conception est aux mains des USA.
Analysons maintenant la chaine de valeur et sa distribution par pays. Nous constatons que les USA ont le monopole des outils de conceptions avec la société Cadence et une forte dominations sur toutes les composantes du développement. De fait, il verrouille le marché sur ce point là mais reste somme toute tributaire des producteurs en Asie du Sud-Est, et surtout du principal acheteur la Chine.
Ce verrouillage de marché replacé dans un contexte géostratégique de domination revêt une importance fondamentale. Les USA ont ainsi une clé pour ralentir voire freiner drastiquement le développement Chinois, et n'ont pas hésité à l'activer via les sanctions contre ZTE et Huawei à partir de 2018. En réaction, les Chinois ont lancé le plan "Made in China 2025" qui vise 70% d'autosuffisance versus un taux de 33% actuellement pour une enveloppe d'achat qui devrait croitre de 65 à 305 milliard de $. Les Européens présent encore avec ASML, Infinéon - spin-off de Siemens-, ST Microelectronics, NXP, X-Fab ont initié le plan "Nano 2022". Les grandes manœuvres s'orientent vers les entreprises notamment Françaises comme Soitec, Ommic, Atlis du fait de leur maitrise du Gallium et des ses dérives nitrure et arsenium et de leurs capacités à optimiser les coûts et les performances avec leurs technologie FD-SOI. Elles font l'objet de visées Chinoise et Américaine. Ainsi suite à des tentatives Chinoises, Soitec a fait l'objet de plaintes en propriété intellectuelle et contrefaçon de brevet de la part de Silicon Genesis Corporation.
C'est dans ce contexte géopolitique qu'il faut analyser les difficultés actuelles du secteur, qui dès 2019 subit un coup d'arrêt, renforcé par un deuxième coup lié à la C19 en 2020, atténué par les plans d'investissements évoqués ci-dessus et par une demande en provenance du digitale et de l'industrie générale en progression constante. Concernant l'automobile, elle est victime de sa stratégie d'achat et Supply-Chain via plusieurs facteurs : dans un secteur technologique très difficile à intégrer verticalement, elle n'adresse que les Back-end players eux-mêmes à la merci des fondeurs et des concepteurs; elle ne pèse que 5 à 10% de la demande sur des composants techniquement moyen de gamme avec une épaisseur de 30 à 50 nanomètre alors que la demande est drivée par la 5G et les épaisseurs de moins de 10 nanomètre; enfin la tactique d'allocation et de réservation des capacités a joué en sa défaveur du fait de sa sur réactivité aux évènements du printemps 2020.
En résumé, la guerre économique et l'utilisation de cette faiblesse de la Chine permet aux USA de gagner 5 à 10 ans. Dans cette guerre, elle n'a pas d'allié puisque sa principale cible est la technologie Française disruptive à même de l'ébranler. Quand à la Chine, son plan se heurte à des défis technologiques importants. Taiwan du fait de son monopole et de sa maitrise de la fonderie à moins de 10 nanomètre est une des clés, et à ce titre pourrait être l'origine d'un conflit entre les deux superpuissances. D'un point de vue économique, les OEM n'auraient ils pas intérêt à disrupter le monde des semi-conducteurs drivé par les GAFAM, à contrario ne vont-ils pas être leurs proies ? Tesla pourrait-il représenter l'alternative médiane ? Géopolitiquement, la stratégie américaine de domination de la R&D et de délocalisation de la production est-elle pérenne ? ne se heurte t'elle pas au concept de "boucle d'apprentissage" mêlant R&D et Manufacturing ainsi qu'à une dépendance de fait de la part de ces acteurs ? Réflexion qui peut être généralisée au concept même de domination via la R&D et par voie de conséquence impliquer un revirement de la globalisation vers un concept plus résilient et flexible, une organisation en plaque régionale.
La confrérie des éveillés espère vous avoir fait visualisé la complexité et l'interpénétration des diverses grilles de lectures, et de la nécessité d'incorporer dans toutes réflexions économiques, une approche géopolitique.
Tahiyatina
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