La confrérie des Eveillés

Salamou aleikoum, Bonsoir à tous, Un saludo a todos,

La confrérie des éveillés vous souhaite à tous une bonne reprise dans un contexte Nord-Africain et Sahélien d'une extrême intensité, preuve s'il en est de l'intérêt que représente la région et surtout des modifications importantes dans les équilibres en place depuis plusieurs décennies voire depuis les indépendances.

Pour ce jour, nous allons nous concentrer sur le pays de l'extrême occident arabo-musulman, le Maroc et ses évolutions marquées par la tenue d'élections législatives, régionales, et communales en ce 8 Septembre 2021.

Avant d'analyser cet évènement, un retour à l'aune du temps long s'impose pour saisir les tendances de fond et les dynamiques à l'œuvre depuis son indépendance en 1956 après 44 ans de protectorat Français et Espagnol.

De substrat Berbère, partiellement Judaïsé et Phénicisé dans l'antiquité, très peu Romanisé et Christianisé, le Maroc s'est très rapidement approprié l'Islam pour en devenir le fer de lance et l'empire majeur en extrême occident depuis le Xème siècle après JC. En permanence jaloux de son histoire et de ses particularités, il a été le trait d'union entre un occident chrétien, un orient musulman, et une Afrique subsaharienne séparée du monde par une immensité de sable.

D'un point de vue stratégique, il a systématiquement privilégié les alliances avec l'occident contre les différents envahisseurs à ses portes, en l'occurrence les Omeyyades, les Fatimides, les Ottomans, contrairement à tout le reste de l'Afrique du Nord. Sur le plan théologique, le Maroc a choisi l'orthodoxie sunnite tout en maintenant dans un souci d'indépendance, une légère distance par rapport au Proche-Orient, via ses écoles Soufis qui plongent dans le pays, la région, et l'Afrique Noire. 

Politiquement, après la phase de la naissance au VIIIème siècle, et la phase des empires du XI au XIX siècle, le Maroc a stagné aux portes de l'état-nation jusqu'au protectorat Français du XXème siècle qui a superposé à son administration historique le Makhzen, une administration moderne qui de fait propulsa le pays et ses élites dans l'ère contemporaine. 

Symbolisée par l'accession à l'indépendance et la création d'une armée nationale, la nation Marocaine fut pendant trente ans traversée par les deux courants majeurs de l'époque, un bloc conservateur monarchiste et libérale, et un bloc socialiste démocratique et dirigiste. Soutenu par l'occident, le bloc conservateur consolida son pouvoir et débuta après la chute du mur et l'effondrement du bloc socialiste une politique d'ouverture démocratique contrôlée en recyclant dans un premier temps les forces de gauche historique et notamment l'USFP. Cette reconfiguration avait deux objectifs, répondre aux pressions occidentales et proposer une image positive au yeux du monde, mettre en place une structure de gouvernance à deux étages, l'un régalien, et l'autre d'intendance, qui garantissent la prééminence du bloc conservateur et la capacité à recycler toute opposition de fond, même face aux nouveaux révolutionnaires du XXIème siècle "les prétendus radicaux islamistes".

Cela nous amène à la période des vingt dernières années, elle coïncide avec l'accession au trône de SM Mohamed VI, et la gestion de ce mouvement politique contestataire né dans les années soixante-dix et quatre vingt en Egypte avec les Frères Musulmans et en Afghanistan pour le Djihad antisoviétique avec les Moudjahidin sous influence Wahhabite et Salafiste.

Montrant peu d'appétence pour l'idéologie, en phase avec son monde contemporain, le nouveau monarque pragmatique orienta très vite son attention sur les sphères économiques, financières, et le seul vrai combat qui compte pour un pays en voie d'émergence "le développement".

Sur le plan politique, les attentats de 2003 freinèrent pour un temps l'irruption irrésistible des islamistes modérées du PJD (en première phase de recyclage puisque leur intégration dans le champ politique impliquait des concessions et non des moindres) avant les évènements de 2011 qui furent opportunément utilisées par le bloc conservateur pour transmettre la "patate chaude" jusqu'aux élections de ces derniers jours.

L'habille manœuvre permit de décrédibiliser en deux mandats l'offre politique alternative qu'il représentait ceci via trois axes : l'adoption via les ministères régaliens et sous couverture PJD de lois fondamentalement libérales et peu populaires comme la libéralisation des hydrocarbures, les sanctions à l'encontre des fonctionnaires de la santé et de l'éducation, l'adoption du nouveau quotient électoral, la libéralisation du chanvre; une géopolitique extérieure en opposition directe avec les valeurs et référents du PJD notamment le Hamas dixit le rétablissement officiel des liens avec Israël; un laisser faire et laisser aller dans les ministères sous influence PJD couplé aux recyclages via gratifications, honneurs, et chrysanthèmes.

Le plus bel exemple en est la personne de premier ministre sortant soigneusement mis en place en 2016, suite à six mois de blocages politiques des partis conservateurs à leur tête le RNI, du fait de sa carrure minime et opportunément pâle.

C'est dans ce contexte, en sus d'une pandémie gérée de manière très sécuritaire et d'une économie notablement touchée avec -9% en 2020, que les élections eurent lieu.

La défaite historique du PJD qui recule de 90% en passant de 125 à 12 sièges demeure encore brumeuse. Avec un socle de 1.2 millions de votants fidèles sur un corps électoral de 18 millions et 9 millions de votants, ceci aurait du lui assurer une meilleure représentativité.

La montée en puissance du RNI qui double son score à 97 sièges est représentative de l'accès à la sphère politique des grands acteurs de l'économie après une traversée du désert de plus de quarante ans hors intermède de Mr Jettou le technocrate. A ce titre, l'introduction depuis une décennie d'un collège d'élus issue des représentations professionnelles en est une preuve évidente.

Elle traduit aussi l'émergence et l'intégration de la berbérité dans toutes ses expressions, et surtout politique, au cœur de la structure de gouvernance après son incorporation dans la constitution de 2011 et dans l'éducation à la suite. Véritable évolution de fond, la mise en avant de sa mosaïque culturelle, à commencer par ses origines et son fond berbères, de son judaïsme historique, de son arabité magnifiée, de son Islam approprié, a été un des moteurs clés de son repositionnement géostratégique.

En définitif, ce vote est peut être l'expression du déclin de l'influence des idéologies - de quelques obédiences qu'elles soient - sur les citoyens au profit d'un pragmatisme bien compris qui se traduit par le NPD visant avant tout au développement du pays dans un cadre semi-démocratique et libéral couplé à un positionnement géostratégique et culturel fort intelligent marquée par l'ouverture, la tolérance, une orientation sud-sud et sud-nord constante, marque ancestral de son histoire et de l'habilité de ce pays à se frayer un chemin même dans les périodes les plus troubles.

Dans son environnement proche, il représente l'un des rares ilots à avoir compris que la dynamique de développement ne s'appuie plus sur la puissance et la force d'une armée, mais plutôt sur la puissance économique et le soft power. Il est à craindre que la situation régionale fort instable ne vienne obérer cette trajectoire positive entamée voici trente ans, malgré l'ancrage nord atlantique renforcé ces derniers mois et de quelles manières ! Une nouvelle Andalous unie verra t'elle le jour enfin ? Rien n'est moins sur mais il est permis d'espérer et d'y travailler avec humilité.

La confrérie des éveillés vous salue et émet ses vœux de réussite et de succès à toute l'Afrique et l'Afrique du Nord plus spécialement. Bon vent à tous

Tahiyatina